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L’accent russe | Le blog de Nadia Sikorsky

16.05.2024
Boris Pilniak (1894-1938)

Les Éditions Noir sur Blanc à Lausanne étoffent leur collection « La bibliothèque de Dimitri » au moyen d’une traduction mise à jour de L'Acajou de Boris Pilniak.

Je ne peux pas dire que Boris Pilniak est mon écrivain préféré. Ni que L'Acajou est mon œuvre préférée de cet auteur extrêmement prolifique, prénommé Berngard Vogau à sa naissance – son père étant un descendant de ces mêmes Allemands de la Volga auxquels est consacré le roman Les enfants de Volga de Guzel Yakhina. Toutefois, dans le contexte actuel, avec ce qui se passe en Russie – y compris dans la Russie littéraire ! –, on doit reconnaître qu'attirer l'attention des lecteurs européens sur ce roman est tout à fait opportun. Et cela non pas tant en raison de son contenu que du rôle qu'il joua dans le destin de son auteur.

Pour Boris Pilniak, tout allait bien. À tel point qu'en 1924, dans une série de conférences intitulées « Sur les fondements du léninisme », Staline lui-même le mentionnait plutôt favorablement en tant qu'auteur de L'Année nue, une œuvre qui reflétait certains « phénomènes négatifs au sein du parti ». Que Pilniak ait été étourdi par le succès, ou qu'il se soit agi d’un hasard, en 1926 il met un point final à son Conte de la lune non éteinte, récit basé sur des rumeurs relatives à l’assassinat de Mikhaïl Frounzé… non sans la participation de Staline. Deux jours seulement après sa parution, la livraison de la revue Novy Mir (« Nouveau monde ») dans laquelle le texte parait est retirée de la vente. Pilniak, toutefois, s'en tire avec une « petite frayeur », comme on dit en russe : un violent article dirigé contre lui et son œuvre dans le numéro suivant du même Novy Mir. Rien de plus. En outre, en janvier 1927, la décision prise un an plus tôt de l'écarter de trois magazines littéraires est annulée. Et en 1929, il prend la tête de l'Union panrusse des écrivains.

C'est donc alors qu’il occupe ce poste important que Pilniak publie, cette même année 1929, L’Acajou, une nouvelle qui va provoquer un terrible scandale. Non pas, notons-le, en raison de l'essence même de l'œuvre, mais parce qu'elle vient d’être publiée par la maison d'édition de langue russe Petropolis dont la rédaction, dès 1922, a choisi de déménager de Saint-Pétersbourg à Berlin… ayant réussi, juste avant son départ, à faire paraître l’ultime recueil de Nikolaï Gumilev, paru du vivant du poète qui allait être fusillé le 21 aout 1921. Auparavant déjà, à Berlin, cette maison d'édition avait entre autres publié Tristia, un recueil de poèmes d'Ossip Mandelstam, Kolchan et À l'étoile bleue de Nikolaï Gumilev, des ouvrages d'Evgueni Zamiatine et bien d'autres encore.

Apparemment, Boris Pilniak n'a pas réalisé à quel point son pays a changé en très peu d’années : ce qui était acceptable en 1926 ne l'est plus en 1929. Une pluie de critiques s'abat donc sur lui, à laquelle participe jusqu’à Vladimir Maïakovski, et le seul fait que le livre ait été publié à l'étranger est assimilé à une trahison de la patrie (aujourd'hui, Pilniak serait certainement considéré comme un « agent de l'étranger »). En dépit de tout, Pilniak survit, bien qu'il soit démis de ses fonctions de président de l'Union panrusse des écrivains – laquelle Union est d’ailleurs bientôt liquidée en qualité d’organisation antisoviétique. Contrairement à Evgueni Zamiatine, l’auteur de Nous autres, un roman publié à Prague en 1929, destiné à fait scandale en Union soviétique et à inspirer à George Orwell son 1984, Pilniak ne va pas réussir à quitter son pays. Il n'échappe pas non plus à son funeste destin : le 28 octobre 1937, le voici arrêté pour association avec des trotskystes. Pilniak a beau fermement nier pareille accusation, il finit par avouer – sous la torture – travailler pour les services secrets japonais. Le 21 avril 1938, le collège militaire de la Cour suprême de l'URSS le reconnait coupable d’espionnage en faveur du Japon ; condamné à mort pour trahison, il est fusillé le même jour à Moscou, sur le tristement célèbre champ de tir Kommunarka. Précisons pourtant que, pour Pilniak, le début de sa fin tragique avait débuté avec L'Acajou. Ses quelques 40 pages avaient décidé de son destin.

Dans les commentaires de cette œuvre, il est souvent relevé que cette histoire conte comment les idéaux de la révolution furent brisés par la vie quotidienne sous la Nouvelle politique économique (NEP) instaurée en Russie en 1921 ; il est également noté qu'elle n'aurait pas dû être écrite en 1929. Peut-être bien qu’elle n'aurait pas dû être écrite, mais son thème principal me parait être autre : cette histoire montre la Russie comme un pays de fous de Dieu, voire d’imbéciles, propageant les idées les plus délirantes et y croyant eux-mêmes, vivant dans la pauvreté, buvant beaucoup d’alcool, divaguant sur des idées « en retard pour le train du temps ». Autant d’imbéciles que Pilniak les appelle les « bretzels de la vie quotidienne » (je me permets de croire que cette traduction est plus juste que « pâtisseries torsadées »).

Dans cette nouvelle, de nombreuses influences littéraires et autres sont immédiatement perceptibles : du Boris Godounov de Pouchkine, et de Moussorgski qui, dans son opéra, attribua un rôle si important à ce yourodivi, ce fol-en-Christ – aux Douze chaises d'Ilf et Petrov, publiées seulement deux ans plus tôt. Ne comptant apparemment pas sur le degré d'éducation de son lecteurscontemporain, Pilniak lui « mâche » tout le travail : à l’attention de qui n'a pas deviné que la ville où le tsarévitch Dimitri a été assassiné, ce « Bruges russe et Kamakura russe », est Ouglitch, le meurtrier Godounov, qui a enlevé la cloche de la tour de Spasskaïa, est directement mentionné à la fin de l'histoire. Sous le son des cloches retirées des églises, la ville vit aussi au XXe siècle, et ce tintement constant est l'une des raisons de la folie générale. Et le fait qu'Ostap Bender soit l'un des prototypes est clairement indiqué par le désir des frères Bezdetny (« sans enfants ») – ces "antiquaires" qui venaient dans la ville afin d’y acheter pour rien des meubles en acajou aux bourgeois ruinés – de collecter au moins la moitié de l'"ensemble". Gogol et ses noms de famille si parlants ne sont pas en reste : les anciens révolutionnaires qui rêvaient d'« allumer le feu de la révolution » s'appellent Ognev, Pozharov et Ozhogov – autant de noms qui dérivent du « feu ». On trouve aussi une allusion à Boulgakov – ce à travers les membres de la famille Skudrin qui se sont retrouvés de part et d'autre des barricades révolutionnaires –, et même à La Mouette de Tchekhov : Ozhogov, buvant de la vodka, parle à ses « camarades » de gens qui volent comme des oiseaux ; comme des aigles. Un clin d’œil au célèbre monologue de Nina Zarechnaïa !

La raison de ma chronique de ce jour étant la réédition de L’Acajou en français, je me dois de mentionner l’extrême difficulté propre à son style. Je n’évoque pas seulement la langue imagée de Boris Pilniak (exemple : « Kitaïgorod à Moscou était le fromage à vers des fols »), mais également l'abondance d'archaïsmes qu’il recèle. Ainsi, voici ce qui attend le lecteur au tout début de la nouvelle :

« Miséreux, devineux, mendigots, psalmodieurs d’antiennes, cagoux, errants, errantes, indigents, cagots, coquillards, prophètes, idiotes, idiots, fols-en-Christ, autant de synonymes, autant de pâtisseries torsadées et coutumières de la sainte Russie, gueux par la sainte Russie, stropiats ou aveugles diseurs de pieuses complaintes au nom du Christ, fol-en-Christ de la sainte Russie, ces pâtisseries torsadées ont orné depuis la naissance de l’État russien, depuis les premiers tsars, les Ivan, les us et coutumes d’un millénaire de Russie. Maintes et maintes fois historiens, ethnographes et écrivains russes ont trempé leur plume pour parler de ces innocents. Ces fous ou charlatans, les mendigots, les cagots, les prophètes, étaient considérés comme l’ornement de l’Église, la confrérie christique, les intercesseurs de l’univers, pour reprendre les termes de l’histoire et de la littérature classique ».

Ouuff ! Je vous assure que même un lecteur russophone doit se concentrer – voire consulter un dictionnaire – s’il veut tout comprendre.  

Le texte, toutefois, a été traduit et préfacé par Jacques Catteau, professeur à la Sorbonne et l'un des plus grands spécialistes français de la littérature russe. Il ne fait donc aucun doute que les lecteurs francophones comprendront tout… et auront une devinette de plus à ajouter à la tirelire des énigmes de l'âme russe.

08.05.2024

Je vous présente aujourd'hui Les Puits de Nuremberg, un roman publié en français par les Éditions Noir sur Blanc à Lausanne.

Il m’est très difficile d'écrire sur ce livre. Surtout ces jours, quand l'Europe célèbre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la Russie fête la fin de la Grande Guerre patriotique. À l'heure où les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient se poursuivent. Mais il est également impossible de ne pas en parler. Surtout ces jours…

Son auteur est un écrivain et journaliste polonais, Emil Marat. Philosophe de formation, il est diplômé de l'Université de Varsovie – fait qui, sans doute, a joué un rôle dans son approche de l'histoire de son pays. Une approche philosophique. Les thèmes de la trahison et de la vengeance, deux leitmotivs de son roman, s’avérant aussi importants en littérature qu'en philosophie.

Il n'est de pire péché que la trahison. Le grand philosophe Aristote et le grand poète Dante sont d'accord sur ce point, eux qui placèrent les traîtres au plus bas de l’échelle :  Aristote dans la neuvième catégorie de son Éthique à Nicomaque, et Dante dans le neuvième et dernier cercle de son Enfer.

Depuis les temps bibliques, il existe un débat sur la vengeance – « fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ». Un débat sur l'évolution de ce concept au fur et à mesure de l'évolution de l'humanité – si toutefois on accepte que l’humanité a réellement évaluée. Ainsi, jusqu'à l'affirmation bien connue selon laquelle « la vengeance est un plat qui se mange froid ». Caïn et Juda sont depuis longtemps devenus des noms communs.

Pour ce qui est de la trahison, je suis tout à fait d'accord avec les deux classiques cités. La question de la vengeance est plus complexe, et je ne me permettrai pas de dire que, comme il est indiqué au dos du livre, le roman d'Emil Marat « démontre que la vengeance, même quand elle s'oppose à l'impunité, est le contraire de la justice ». C’est justement le raisonnement sur ce thème à partir d'une situation réelle – en pesant le pour et le contre – qui constitue, à mon avis, l'intérêt principal du roman, et oblige le lecteur à réfléchir. À changer d'avis. À pencher d'un côté ou de l'autre. Tout est réel dans ces pages : les faits, les dates, les noms des personnages et les décisions qu'ils ont prises. Tout cela s'est réellement passé, aussi, grâce à cette authenticité, les événements dramatiques décrits n'étourdissent pas le lecteur au moment du dénouement, mais le tiennent en haleine tout au long du récit.

Comme vous l'avez compris d'après le titre de l’ouvrage, le sujet est lié à la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, malgré les horreurs qu’il décrit, Les puits de Nuremberg est étonnamment rempli de tendresse et de beauté – et ceci pas uniquement en raison de la présence de poèmes qui s’y trouvent reproduits ! Une traduction de psaumes, notamment, réalisée par le lauréat du prix Nobel de littérature d'origine lituanienne Czeslaw Milosz. Le roman est dédié aux poètes de Wilno, comme on appelait Vilnius jusqu'en 1939.

L'un des personnages principaux est Abba Kovner, né en 1918, fils d'Israel Mikhelevich Kovner, marchand de cuir et d'articles de maroquinerie. En octobre 1939, il est admis comme étudiant libre en première année de la Faculté des arts de l'Université Stefan Batory, laquelle a fonctionné à Wilno de 1919 à 1939. En janvier 1942, il devient l'un des dirigeants de l'« Organisation unie des partisans » créée dans le ghetto de Vilnius en sorte d’organiser l'autodéfense, le sabotage et – en cas de succès – de rejoindre les partisans et l'Armée rouge. Au cours de l'été 1943, à l'âge de 25 ans, il assume la mission de chef de la clandestinité. En septembre 1943, lors de la liquidation du ghetto, avec quelques combattants, Kovner se réfugie dans les forêts de Rudnik ; il y crée une unité de partisans juifs, composée de combattants du ghetto et de la brigade Nekam (Vengeance). Chaque membre de cette unité a perdu des proches, massacrés par leurs anciens voisins dans les villes occupées, brûlés dans les chambres à gaz, assassinés dans les camps de concentration... Tous veulent se venger – pour les leurs et pour les six millions de Juifs exterminés.

Le 27 février 1946, un autre membre de l'unité, le poète et romancier Avrom Sutzkever, est devenu le premier témoin juif au procès de Nuremberg. Auparavant, en septembre 1941, alors qu'il était enfermé dans le ghetto de Vilnius, il avait réussi à sauver les manuscrits et les livres de Tolstoï, Gorki et Sholem Aleichem, tous destinés à être détruits sur ordre des nazis. En 1944, il s’était rendu à Moscou, où il avait pris la parole lors du troisième plénum du Comité juif antifasciste, et rencontré Solomon Mikhoels, Boris Pasternak et Ilya Ehrenbourg. « J'ai prié pour que les sanglots et les cris des martyrs soient entendus à travers mes paroles », se souviendra-t-il plus tard, alors qu'il se préparait à prononcer un discours à Nuremberg.

Mais comment traduire en langage humain le texte des tracts distribués par les Lituaniens affirmant que « le Juif n'appartient à aucun peuple et à aucune communauté. Il n'a ni patrie, ni pays. Il restera exclusivement juif pour les siècles à venir » ? Comment convaincre ceux qui ne croient pas à l’existence des horreurs d'Auschwitz ? « Sur la planète Auschwitz, le temps était autre chose qu'ici sur Terre. Chaque fraction de seconde s'écoulait selon une autre échelle. Les habitants de cette planète n'avaient pas de nom, ils n'avaient ni parents, ni enfants. Ils n’étaient pas nés là-bas. Et ils n’y donnaient pas naissance. Ils respiraient même selon les lois d'une autre nature ; ils vivaient et mouraient suivant d’autres lois que celle de notre monde. Leurs noms étaient des numéros », écrira l'un des survivants à l’instant de décrire son expérience.

Quelle vengeance saurait-elle être proportionnelle à l'assassinat de six millions de Juifs ? Le meurtre de six millions d'Allemands, selon des membres de la brigade Nekam. Et qui d'entre nous ne pourrait les comprendre ? Qui d'entre nous n'a pas, à un moment de sa vie, voulu se venger de transgressions bien moins graves ? David Ben-Gourion, pourtant, n'était pas de cet avis : « Est-ce que la mort de six millions ressuscitera six millions ? Non ? Alors, je ne suis pas intéressé », disait-il. Mais comme il n'était encore que le futur Premier ministre d'Israël, l’on n'était pas obligé de l'écouter.

Oui, la vengeance est un plat qui se mange froid, et c'est pourquoi la réalisation du plan fut entretenue pendant de nombreux mois. Le « plan A » était en préparation : empoisonner l'eau de Hambourg, Munich, Francfort et Nuremberg. Au cas où il ne pourrait être réalisé, un « plan B » était en réserve : la liquidation des prisonniers SS dans les camps alliés.

Le 13 avril 1946, trois membres du groupe empoisonnent le pain de 12 000 prisonniers de guerre allemands – pour la plupart des SS, détenus dans le camp de prisonniers de guerre du Stalag 13, près de Nuremberg. Plus de 2 200 d’entre eux furent affectés et 207 hospitalisés, mais il n'y eut aucun décès. Quelques jours de diarrhée de deux mille assassins peuvent-ils être considérés comme une juste rétribution pour les six millions de morts ?

Les deux premiers plans n'étaient pas destinés à être réalisés, et ceci en raison de la trahison d'un initié. Les « vengeurs » n'ont jamais su qui était ce traître qui sauva de la mort des millions d'Allemands, pensant ainsi sauver du péché les âmes juives.

« Vous vivez car nous vous avons permis vivre. […] Nous voulions vous prendre vos maris, vos femmes, vos pères et de vos vieilles mères pour que le monde aveugle voie comment vous souffrez et comprenne comment nous souffrons, pour que vous vous sentiez comme nous, nous qui sommes passés de la vie à la mort, à cette mort qui n’arrive pas, mais qui est sans cesse présente, qui veille dans nos poitrines et qui jamais, jamais ne nous quittera, nous et nos enfants. L’horreur et l'agonie perpétuelle ne nous quitteront jamais. […] Nous vous faisons don de la vie. Puisse-t-elle durer. »

C'est par ces mots déchirants que commence le livre. Il aurait pu se terminer par eux. Que signifie s'abstenir de se venger ? Est-ce un signe de lâcheté, une tentative de tendre l'autre joue ? Ou s'agit-il d'une démonstration de la plus grande magnanimité, dont seuls les plus sages et nobles sont capable ? Ceux qui sont convaincus de leur bon droit et de leur supériorité morale peuvent-ils se permettre de s'arrêter pour sortir du cercle vicieux sanglant que constitue « œil pour œil, dent pour dent » ? C'est à chacun de trouver la réponse à cette question des plus difficiles.

« Ce dont on ne se souvient pas n'existe pas », a dit l'un des survivants de cette histoire. Se souvenir est nécessaire pour éviter que les horreurs se répètent. Mais où trouver un remède à l'amnésie de masse ?

Il est des choses qui ne se pardonnent pas. Une trahison en est une. Quand bien même on s’y efforce sincèrement, elles restent pour toujours au fond de notre cœur. Comme le dit si bien un ami : « Je vous pardonne, mais je garde la liste ».

Quant à la vengeance, s’en abstenir est un privilège des gens heureux. Notre bonheur rongera à jamais ceux qui nous veulent du mal. Soyons donc heureux, mes chers lecteurs, déversons nos marmites du bonheur autours de nous, et c’est ainsi que périront nos ennemis. Dans des souffrances terribles.

22.04.2024
Les Nabokov sur le paquebot Liberté

Selon la tradition, marquant l'anniversaire de la naissance de Vladimir Nabokov, je souhaite partager avec vous une information peu connue à propos de cet écrivain dont une citation figure sur la page Facebook de Nasha Gazeta : « Tout ce que je possède, c'est ma langue ».
 
Pour les amateurs de l'œuvre de Vladimir Nabokov, Nasha Gazeta reste une véritable mine de trésors tant nous avons publié de choses à son sujet. De choses et de photos rares. Parmi les publications les plus récentes, accessibles en français, je noterai celle consacrée à l’exposition de la Fondation Jan Michalski et celle sur la lecture de Lolita en Iran.
 
Mais aujourd'hui, j’aimerai donner la parole, non pas tant à Vladimir Nabokov, qu'à son épouse, Vera Evseevna Slonim (1901-1991), car il est bien connu que derrière chaque homme qui réussit se cache une femme aimante et sage. Hélas, pas tous les hommes qui réussissent comprennent cela et l'apprécient. Nombreux sont ceux qui, ayant réussi, remplacent leur femme dévouée par une épouse "trophée" – nullement issue d'un grand esprit, bien entendu. Nabokov, quant à lui, était très intelligent, il suffit de lire son remarquable Rire dans la nuit.
 
Lui et Vera s’étaient rencontrés à Berlin, en mai 1923, lors d'un bal de charité organisé par le journal d’émigration russe Roul – émigration efface certaines barrières sociales. Elle fait le premier pas et devient celle à qui tous les écrits de l'écrivain vont être désormais dédiés – jusqu'à sa mort à lui, à Montreux, en 1977. Outre son rôle de muse, elle aura également rempli les fonctions de dactylo, secrétaire, agent littéraire, archiviste et même chauffeur – Nabokov n'ayant pas de permis de conduire.
 
Est-il possible d'imaginer une preuve plus convaincante de l'intimité entre un homme et une femme qu'un journal écrit à quatre mains ? Je pense que non, et c'est de ce genre de journal que je vais vous parler maintenant.
 
   « Publié pour la première fois, ce journal, dont l'original est gardé à la Berg Collection de la New York Public Library, constitue la plus grande partie des notes personnelles rédigées à quatre mains sur un petit agenda perpétuel par Vladimir et Vera Nabokov en juin 1951, interrompu, puis repris sept années plus tard par Véra, au moment de la parution de Lolita aux États-Unis. Pour marquer cette césure temporelle dans le carnet, Nabokov inscrira a posteriori la mention "Hurricane Lolita" sur la page qui ouvre la reprise de 1958 » ; tel est ce qu’expliquent dans une préface très instructive les chercheurs Yannicke Chupin et Monica Manolescu, qui ont préparé pour la publication l'édition française (traduction de Brice Matthieussent) du journal dans laquelle les textes de Vera sont rendus en caractères droits et ceux de Nabokov en italiques. Le premier texte qu'ils ont ensemble partagé fut rédigé le 20 mai 1958 à Ithaca, État de New York, et le dernier – inachevé – fut inscrit de la main de Vera le 26 septembre 1959. Trois jours plus tard, les Nabokov embarquaient à New York sur le paquebot Liberté et commençaient une nouvelle vie rendue possible par l'énorme succès de Lolita.

On pourrait s'étonner de ce que ce journal fragmentaire ait survécu. Il est connu que Vera Evseevna était une personne discrète, secrète même, qu'elle évitait les questions "personnelles", et qu'après la mort de l'écrivain elle prit soin de détruire tous les textes qu'elle lui avait écrit. Le volume des Lettres à Vera ne contient que les lettres que Vladimir lui adressa, mais non ses réponses à elle. On peut comprendre cette réticence à mettre des lettres personnelles – avec les pensées et les sentiments personnels qui y sont exprimés – à la disposition du regard d'étrangers toujours curieux, quoique pas toujours bienveillants. Mais il faut en conclure que les fragments de journal qui subsistent ne sont pas le fruit du hasard.
 
Quoi qu'il en soit, il est très intéressant de lire ces notes, car elles lèvent le voile sur cette partie de la vie de l'écrivain (et de son entourage) qui n'est généralement pas visible pour le lecteur : l'organisation de la journée de travail et des loisirs, les relations avec les éditeurs et les traducteurs, les soucis pour le fils et la famille restée en Europe, les contacts amicaux et professionnels, les réflexions sur tout... Mais l'écrivain est aussi un être humain, et sa vie ne peut se résumer aux « pensées élevées ». Et voilà donc que nous apprenons non sans sourire que, par exemple, Jean-Jacques Demorest, un collègue de Nabokov à l'université de Cornell, a apporté au couple « une truite fraîchement pêchée », que leur fils Dimitri est satisfait de ses leçons de tennis et, immédiatement après, que des étudiants de Cornell ont été indignés par l'interdiction des fêtes d'appartement ; ou que Nabokov a refusé d'écrire un article sur l'obscénité pour le Times Magazine ; ou encore qu’ à la fin du mois de janvier 1959, il était très occupé à travailler à un commentaire sur l’épopée russe intitulée Le Dit de la campagne d’Igor.
 
Avec les Nabokov, le lecteur entreprend un voyage fascinant à travers les États-Unis, admirant la beauté de ses espaces, parcourant des centaines de kilomètres à la recherche de papillons, discutant des détails domestiques de chaque hôtel et se réjouissant du fait que Lolita soit devenu un best-seller en un temps record, bien que le roman ait été interdit au Canada et à Paris. Nous découvrons que l'Anglais Minton est un excellent éditeur – ce qui n'est pas le cas de ses collègues français. Nous découvrons la délicatesse de Nabokov, qui a toujours peur d'offenser quelqu'un par inadvertance, les démêlés avec un certain Warren, qui a écrit une ballade musicale intitulée Lolita et qui exige l'exclusivité des droits d'utilisation de ce titre, ainsi qu'un coup de téléphone d'Hollywood proposant une adaptation cinématographique du roman, suivi de calculs complexes des droits d'auteur. L'amour pour son mari et l'inquiétude pour lui transparaissent dans chaque mot de Véra ; elle s'inquiète non seulement pour Vladimir Vladimirovitch, mais aussi pour ses personnages.
 
« J'aimerai pourtant que quelqu'un remarque la tendre description de l'impuissance de cette enfant, sa pathétique dépendance envers le monstrueux Humbert Humbert, et son courage déchirant tout au long, culminant dans ce mariage sordide mais essentiellement pur et sain, et sa lettre, et le chien... »
 
À travers tous ces sujets littéraires et quasi-littéraires, perce la personnalité de Véra – peut-être contre son gré – de par son sens de l'humour et de la dignité, ses remarques peu flatteuses sur Le Docteur Jivago, biffées dans le journal mais rétablies dans l'édition, ses positions de principe sur un certain nombre de questions importantes pour elle, y compris la question juive – Véra Nabokova-Slonim n'ayant jamais caché ses origines.
 
« Je déteste les gens qui "se mettent en avant", et voir des Juifs le faire me dégoûte encore plus – car notre honneur nous oblige à ne pas cautionner le préjugé selon lequel il s'agirait d'un trait typiquement juif. Dieu sait que j’ai connu un nombre considérable de Juifs très dignes, fiers et modestes – mais qui les remarque ? Ce sont les A. et tous leurs semblables qui sont responsables de cette généralisation dont pâtit tout le peuple juif ».
 
Comme vous voyez, aucun des thèmes n'a perdu de sa pertinence. La lecture de ce journal n'en sera que plus intéressante.
 
 
 

16.04.2024
(DR)

Le Palace, la comédie noire de Roman Polanski ayant eu don de susciter les réactions polaires, est sortie sur les écrans suisses – d'abord dans la partie alémanique et maintenant en Romandie. L'accueil réservé a provoqué notre curiosité.

 Depuis 2009, soit à peu de choses près depuis le début de l'existence de Nasha Gazeta, je suis la triste saga du célèbre réalisateur franco-polonais Roman Polanski : le 26 septembre de cette année-là, la police procédait à son arrestation quasiment à même le tapis rouge du Festival du film de Zurich où il devait, le lendemain, recevoir un prix pour sa contribution à l'art. La cérémonie s’était alors vue reportée : c’est qu’en 1978, accusé d'avoir violé une jeune fille de 13 ans, Polanski avait dû quitter les États-Unis pour Londres, puis pour la France. Or il s’avérait que l'affaire n'était pas close et qu’un mandat d'arrestation, émis par un tribunal américain il y a plus de 30 ans, était toujours valable, de sorte que la police suisse le plaçait en détention. Depuis lors libéré, Polanski ne se sent pas pour autant le bienvenu en Suisse. C'est du reste pourquoi il a refusé de participer au Festival international de Locarno en 2014.

 Le choix du lieu de tournage de son dernier film, Le Palace, n'est sans doute pas fortuit : c'est à Gstaad, l'une des stations de montagne suisses les plus en vogue, que le réalisateur dut passer près d'un an en résidence surveillée, en attendant que justice soit faite. On pourrait même penser que sa satire de la société locale constitue sa petite vengeance ; auquel cas, personne ne pourrait lui reprocher de ne pas maitriser son sujet.

  Le tournage, qui s'est donc déroulé à Gstaad, fut promptement expédié : de février à juin 2022. La “première” eut lieu hors compétition lors de la 80e Mostra de Venise en 2023. Le film reçut une ovation de trois minutes. Le 28 septembre de la même année, il sortait en Italie et le 3 octobre il était présenté au Festival du film de Zurich. Il a ensuite pu être visionné en Pologne, en Russie, en Hongrie, en Lituanie et en Bulgarie. Dans le même temps, il ne se trouvait aucun distributeur aux États-Unis ni en Grande-Bretagne : il est possible que leurs experts n'aient vraiment pas aimé le film (le critique de Time Out a dit de lui : "Eurotrash hotel farce - an absolute stinker") ; peut-être aussi a-t-il déplu pour des raisons morales – les critiques d'art se prennent parfois pour des puritains ! Cela dit, si l'on en croit la RTS, lorsque le film a été projeté fin 2023 à Gstaad, il a attiré un nombre record de spectateurs au sein du cinéma local. Apparemment, les habitants ont un bon sens de l'humour et comprennent qu'« il ne faut pas blâmer le miroir (lire : le réalisateur) quand... ». Et ainsi de suite, selon le célèbre texte de Gogol.

(DR)

 En général et à mon humble avis, le film s'inspire beaucoup de Gogol, et ceci outre les « noms de famille parlants » tels que Bill Crush. Tout comme dans la comédie Le Révizor, où l’ensemble de la noblesse d'une ville de province apparaît au spectateur, ici, c'est la noblesse internationale qui est montrée. La variété des clients de l'hôtel le plus chic de la station est aussi internationale que les acteurs qui interprètent leurs rôles. L'allemand Oliver Masucci est magnifique dans le rôle du directeur de l'hôtel Hansueli Kopf ; la star française Fanny Ardant dans celui de la marquise qui ne dédaigne pas la compagnie d'un plombier polonais, reconnaissable grâce aux vielles affiches de l'UDC n'ayant rien perdu de leur pertinence. L'Anglais John Cleese est splendide dans le rôle du milliardaire Arthur William Dallas III, 97 ans, venu à Gstaad pour célébrer son premier anniversaire de mariage avec sa plantureuse épouse de 22 ans, Magnolia : hélas le cœur du gentleman flanche au moment le plus "romantique", ce qui ne n’empêche pas la heureuse élue de faire tout ce qu'il faut pour obtenir l'héritage. Le Portugais Joaquim de Almeida est très convaincant dans le rôle du chirurgien esthétique Dr Lima, dont la femme souffre d'Alzheimer ­– ce qui, probablement, est le meilleur moyen à sa disposition pour se débarrasser des mondaines vieillissantes qui persécutent son mari. L'artiste uruguayen Luca Barbareschi est incomparable dans le rôle de l'ancienne star du porno Bongo. Non moins impressionnant, l'ancien boxeur professionnel américain Mickey Rourke, devenu star du cinéma, incarne le rôle d'un escroc patenté qui refuse de reconnaître son fils conçu dans une ville tchèque, qui lui ressemble pourtant comme deux gouttes d'eau. Bien sûr, au nombre des invités, il y a aussi des Russes – des hommes riches (interprétés notamment par Alexander Petrov) et leurs campagnes de pacotille, débarquant au Gstaad Palace fort de valises pleines de dollars. À ce sujet, d’'ailleurs, certains critiques ont reproché au cinéaste qu'« il n'y a plus de Russes comme ça ». C'est ma fois vrai, mais, d’une part, l'action se déroule à la veille de l'an 2000 et, d’autre part, à présent qu'il est devenu plus difficile d'établir des relations avec les banques européennes, n'est-il pas pensable de les voir ressusciter ? L'ambassadeur russe et son épouse sont eux aussi reconnaissables ­– c'est d’ailleurs Madame qui figure sur l'affiche du film, le visage affaissé dans son assiette. En descendant dans le bunker pour réceptionner les précieuses valises, son mari lui a pourtant demandé de « garder le contrôle », mais elle n’a pas pu empêcher – cela arrive !

(DR)

 Oui, toute cette ménagerie humaine est réunie dans un luxueux hôtel pour fêter l'an 2000, le début du nouveau millénaire, alors que – souvenez-vous – beaucoup prédisaient la fin du monde ou un bug technologique universel. Tous sont riches, et chacun a ses particularités et exigences : de l'herbe fraîche dans la neige, sans laquelle le chien nain de la Marquise ne peut faire ses besoins, au pingouin vivant commandé par un milliardaire pour sa femme. Mais tout le monde n'est pas venu pour les vacances. Billy Crush profite de son séjour en Suisse pour monter une escroquerie financière avec l'aide de son banquier Caspar Tell (un autre nom de famille parlant) : se trouvant par hasard dans un milieu qui n’est pas le sien, ce dernier se révèle tout aussi corrompu que les autres… ce n'est qu'une question de prix.

 Connaissant assez bien Gstaad et son beau monde, j’ai copieusement ri en regardant le film. Jusqu'à ce que Boris Eltsine apparaisse à l'écran, annonçant qu'il quittait le pouvoir et le cédait à Vladimir Poutine. Aujourd'hui, 24 ans plus tard, Vladimir Poutine est toujours « à la télé ». Peu de choses ont changé au Gstaad Palace également, où on déroulera toujours le tapis rouge devant les riches Russes et exaucera tous leurs souhaits, même les plus absurdes – le prestige du service suisse oblige !

(DR)

 Bien sûr, ce film est une caricature cruelle et tous les personnages sont laids – sinon physiquement, du moins moralement. Mais si Umberto Eco a pris la peine d’écrire un fort volume sur l'histoire de la laideur dans l'art, pourquoi ne pas consacrer un film de deux heures à ce sujet dans la vie réelle ? D'ailleurs, de tels "personnages" existent vraiment. Vous ne me croyez pas ? Essayez de fêter le prochain réveillon du Nouvel An au Gstaad Palace.

(DR)
 
05.04.2024
Nicolas de Stael. Agrigente, 1953/1954. Suisse, collection particulière Photo Thomas Hennocque © 2023, ProLitteris, Zurich

En collaboration avec le Musée d'Art moderne de Paris, la Fondation de l'Hermitage à Lausanne vous invite à une rétrospective d'une figure emblématique de la scène artistique de l'après-guerre.
 
Le 16 mars 1955, Nicolas de Staël ferme la porte de son atelier d'Antibes, monte sur la terrasse et se jette dans le vide… il a quarante-et-un ans. Son dernier tableau, Le Concert, reste inachevé. Il est de couleur rouge, nerveux comme la mer où flottent des instruments de musique. Le spectateur s'y noie, s'y perd. Le tableau excite, surprend par sa taille inhabituelle, son style et ce rouge ardent et fascinant. Pourquoi cette couleur rouge ? Pourquoi, après des années d'abstraction, le retour à la figuration ? Pourquoi cet artiste au sommet de sa gloire a-t-il décidé de se suicider ?
 
Le Concert se trouve au musée Picasso d'Antibes, et toutes ces questions auxquelles nous ne trouverons guère de réponses sont posées dans l’ouvrage Ce rouge incandescent d’Aurélia Cassigneul-Ojeda ; celle-ci n’est ni historienne de l'art ni d'origine russe, mais simplement une institutrice française fascinée par l'œuvre du « petit prince » de Saint-Pétersbourg qui a échappé aux horreurs de la révolution de 1917 et a immortalisé la beauté de la Méditerranée. « C’est la nuit à Antibes et la ville est tranquille. Pas un bruit dans la rue de Revely qui surplombe l’atelier <> Assis dans son atelier, un homme n’entend rien, ne voit rien de tout cela. Il range et trie. Il écrit. Des lettres. <> Toute la journée, il s’est battu avec une toile. Elle est géante et rouge. Il est géant et gris. Ivre de désespoir. » Le livre est paru l'année dernière, à l'occasion de la rétrospective Nicolas de Staël au Musée d'Art moderne de Paris, qui a connu un grand succès. Il est désormais disponible à la boutique de la Fondation de l'Hermitage à Lausanne, où l'exposition parisienne sera montrée jusqu'au 9 juin.
 
Comme il est aisé de trouver des biographies de Nicolas de Staël, je me contenterai ici de rappeler quelques faits essentiels. Prénommé Nicolaï à sa naissance, le futur peintre naît le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg dans une famille riche de la noblesse : son père, le baron Vladimir Staël von Holstein, issu d'une ancienne famille balte, est général de l'armée russe et dernier commandant de la forteresse Pierre-et-Paul ; sa mère, Lioudmila Berednikova, a grandi dans une célèbre famille d'éditeurs de Saint-Pétersbourg et est une parente du compositeur Alexandre Glazounov. Après la révolution bolchevique, le baron von Holstein est contraint de se cacher avec femme et enfants dans la maison de Glazounov pendant quinze mois, et ce n'est qu'en 1919 qu'ils réussissent à émigrer en Pologne.
 
Le calme relatif ne dure pas longtemps : en 1921, le chef de famille meurt ; un an plus tard, c’est au tour de sa femme de décéder, et les enfants se retrouvent orphelins. Heureusement, ils sont adoptés par les Belges Emmanuel et Charlotte Fricero, qui les élèvent comme leurs propres enfants et leur donnent une bonne éducation. Il est à relever que les parents adoptifs ont conservé le nom de famille et le titre baronnial des enfants et qu'ils ont veillé à ce que ceux-ci n'oublient pas leurs racines : un professeur de russe leur enseigne la langue, on leur lit à haute voix des œuvres de la littérature russe, et lorsque Nicolas montre des dispositions pour la peinture, les parents adoptifs créent les conditions nécessaires pour qu'il puisse développer son talent.

La première exposition de Nicolas de Staël a lieu à Bruxelles en 1936, où l'influence des abstractionnistes est perceptible et où sa propre personnalité pittoresque se fait immédiatement remarquer. Une autre exposition marquante a lieu en 1944 dans Paris occupé : Jeanne Boucher, propriétaire d'une célèbre galerie, décide d'organiser une exposition semi-illégale où les œuvres de Nicolas Staël sont exposées à côté des tableaux de Kandinsky et de Picasso. Après la libération de la France, de telles expositions deviennent régulières, et le nom de Nicolas de Staël prend place au même rang que des maîtres reconnus. Bientôt la renommée de l'artiste dépasse largement les frontières de la France. Après l'exposition de 1953 à New York, où ses 25 tableaux exposés sont tous vendus, de Staël devient millionnaire : la conclusion d'un contrat avec le célèbre marchand d'art américain Paul Rosenberg, grand-père de la vedette de télévision française Anne Sinclair, a contribué à accroître sa fortune.
 
Pourquoi donc tomber dans la dépression ? Le 16 mars 1955, dans la rue Revely à Antibes, un riverain de passage découvre le corps sans vie de l'artiste. Bien que le rapport de police évoque "un acte de désespoir", nul soupçon d’un acte impulsif : la veille de sa mort, Nicolas de Staël est allé consulter un avocat pour savoir comment ses enfants seraient pris en charge au cas où il lui arriverait quelque chose. Une rare preuve de responsabilité.
 
En quinze ans de vie artistique, Nicolas de Staël a réalisé plus d'un millier de tableaux, dont certains sont aujourd'hui estimés à plusieurs millions de dollars. L'une de ses dernières œuvres, Nu couché, a été vendue pour plus de 7 millions d'euros en 2011. Mais, comme c'est souvent le cas avec les prophètes, en particulier en Russie, ce n'est qu'en 2003 qu'une grande exposition de l'artiste a finalement eu lieu à Saint-Pétersbourg.
 
Beaucoup d'hypothèses existent sur les raisons de son suicide – qui resteront toutefois des hypothèses… L’unique chose qui semble claire est qu’un succès extérieur ne donne pas nécessairement la paix intérieure – dont l'absence est démontrée par les peintures de Nicolas de Staël. Le rouge, toujours le rouge…
 
PS Après la publication de l’annonce de l’exposition en russe, j’ai reçu ce message d’un lecteur inconnu. Je le partage avec vous comme tel, accompagné d’une vidéo.
 
«Bonjour, Mme Sikorsky, j'espère que vous allez bien. On m'a conseillé de vous contacter au sujet de ma découverte. J'ai trouvé dans mes archives familiales des instructions détaillées de Nicolas de Staël pour décrypter ses peintures.
Mon grand-père Jean Quéré était ami avec Nicolas qui lui a confié un secret selon lequel ses peintures étaient cryptées avec sa signature qu'il utilisait comme mécanisme générateur de ses peintures. Il lui a donné la « clé » pour déchiffrer son code. Une fois que vous avez vu la clé, il est impossible de ne pas la voir. J'ai joint une photo d'un de ses chefs-d'œuvre "Composition 1950" que j'ai mise en évidence pour que vous puissiez voir clairement sa signature qui regardait tout le monde en face tout le temps et personne ne le savait ! Les autres ne sont pas si évidents et nécessitent la clé qui se présente sous la forme d'un paysage marin codé dans lequel il suffit d'aligner le modèle algorithmique pour déchiffrer sa signature codée dans ses tableaux. <> Il a également utilisé la forme de sa signature comme son « nombre d'or » personnel pour ses peintures. L'algorithme qu'il utilise pour sa signature est irréfutable. Il utilise également divers symboles pour les lettres, un symbole intelligent est un pentagone qui représente la lettre « E » car « E » est la cinquième lettre de l'alphabet, et les pentagones ont cinq côtés.

Une vidéo brève que j'ai réalisée et qui révèle son code à l'aide de la clé. »

La voici. Bon visionnage.


 

A PROPOS DE CE BLOG

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels – le Forum des 100.

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