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Matthias Schulz : « Il ne faut pas s’en prendre aux artistes ! »

05.09.2025
Matthias Schultz © Gaetan Bally

La saison de l'Opernhaus Zurich s'ouvrira avec le ballet Concerto ; le célèbre chorégraphe britannique Sir Kenneth MacMillan y traduit en langage chorégraphique la musique de Dimitri Chostakovitch. Dans l'ensemble, le programme de l'année musicale à venir donne envie de tout laisser tomber pour déménager dans la ville des bords de la Limmat. Je vous propose aujourd’hui une interview exclusive du nouveau directeur du théâtre, pour qui cette saison à Zurich est la première.

Monsieur Schulz, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre nouvelle fonction. Ce n'est pas vraiment un « scoop », votre nomination ayant été annoncée en décembre 2021 ; toutefois, il n'est sans doute pas facile de prendre les rênes de l’Opernhaus dans la mesure où votre prédécesseur, Andreas Homoki, a occupé ce poste pendant 12 ans !

Vous avez raison ! Je suis officiellement « en fonction » depuis le 1er août de cette année, et après une si longue attente, c'est formidable de – pour ainsi dire – « prendre les rênes ». Bien sûr, la période de transition est toujours un peu étrange, mais le théâtre de Zurich est excellent et en pleine forme, ce qui permet de nombreuses premières, des productions originales et d'autres innovations – par exemple dans le domaine de l'éducation. C'est une maison très flexible, dotée d’une équipe formidable et dévouée. Je suis donc convaincu que je pourrai apporter quelque chose de nouveau, donner un nouvel élan, et j'ai hâte de le faire.

Pouvez-vous citer quelque chose de concret parmi les nouveautés prévues ?

Par exemple, le fait de présenter au public de nouveaux metteurs en scène qui n'ont jamais travaillé auparavant avec l'Opéra de Zurich. Ils sont nombreux pour la saison qui commence et présenteront des premières.

Dans quelle mesure avez-vous participé à l'élaboration du programme de cette saison ?

Il est entièrement le fruit de mon travail et de celui de mon équipe ; donc je n'ai aucune excuse à présenter, si jamais…

J'avoue qu'après avoir étudié le programme, je me suis demandé si je ne devais pas déménager à Zurich ; j’y ai trouvé une telle constellation de mes œuvres préférées et des noms les plus célèbres : Diana Damrau dans Le Chevalier à la rose et Arabelle, Sonya Yoncheva, Jonas Kaufmann et Bryn Terfel dans Tosca, Anna Netrebko dans La Forza del destino, Elina Garanča et Olga Peretyatko dans Carmen, Cecilia Bartoli dans Giulio Cesare in Egitto, le retour de Così fan tutte dans une mise en scène de Kirill Serebrennikov... Treize premières en tout. Comment avez-vous réussi cela ? Tout est-il une question d'argent ou pas seulement ?

Comme vous le savez, l'Opéra de Zurich est fier de ses traditions, de sa salle de plus de mille places, de son emplacement magnifique au bord du lac. Les spectateurs aiment ce théâtre qui leur permet de « ressentir » les spectacles de manière très vivante ; d'entendre sans effort les voix et les instruments. Les chanteurs n'ont pas besoin de chanter fortissimo pour être entendus, le pianissimo est également audible par tous. C'est pourquoi les artistes aiment ce théâtre et aiment s'y produire. Mes prédécesseurs et moi-même n'avons pas peur de travailler sous « haute tension » : le théâtre de Zurich est très actif, il s'y passe beaucoup de choses – tant du point de vue des nouveautés que des restaurations d'anciennes productions. À mon avis, un bon équilibre a été trouvé entre les premières et les pièces du répertoire. Au cours d'une saison, le théâtre accueille environ 1,2 million de spectateurs, ce qui est beaucoup, et il faut les motiver. Certains viennent voir Tosca trois fois par saison pour écouter différents ténors, mais ils ne sont pas nombreux.

Nous avons une grande responsabilité tant envers les spectateurs qu'envers les sponsors, qui considèrent le soutien au théâtre comme faisant partie de leur engagement social. Comme vous le savez, nos principaux sponsors sont Rolex, UBS et Zurich, une compagnie d’assurance. Leur soutien et leur conviction qu'il doit y avoir au moins une institution culturelle en Suisse capable d’accueillir des artistes de haut niveau nous permettent d'aller de l'avant.

Vous avez deux diplômes : un diplôme de pianiste au Mozarteum de Salzbourg et un diplôme d'économiste à l'université Ludwig Maximilian de Munich. Pensez-vous que ces deux formations sont tout aussi importantes pour diriger un théâtre aujourd'hui ?

Je suis convaincu que la passion créative n'exclut pas le bon sens économique, et qu'un directeur d'institution culturelle moderne a clairement besoin de ces deux éléments. L'art permet de faire tout ce que l'on veut, mais sans oublier d'utiliser les ressources disponibles de manière raisonnable. Il est important pour moi de montrer que cette combinaison est possible.

Et selon vous, qui est le plus important dans un théâtre : le directeur, le directeur musical ou le metteur en scène ?

Vous savez, je dis souvent que « l'opéra, c'est trop de tout ». Il y a la musique, le livret, l'orchestre, le chœur, la scénographie... Tout cela doit être bien équilibré. Si le spectacle repose uniquement sur les émotions, sans intrigue digne de ce nom, sans structure, la soirée au théâtre aura peu de chances d'être réussie. Quant à savoir qui est le plus important, je pense que c'est « l'ensemble ». Les metteurs en scène permettent parfois de voir quelque chose de nouveau dans les œuvres classiques et de le mettre en évidence ; mais sans la musique le succès est impossible, et c'est le chef d'orchestre qui est responsable chaque soir de la qualité de son interprétation. Or si la qualité n'est pas irréprochable, il ne peut y avoir de succès. Le secret du succès, comme dans la vie en général, réside donc dans un équilibre harmonieux.

Vive le Zoom qui facilite les interviews!

Tous les théâtres « classiques » du monde se battent aujourd'hui pour attirer un nouveau public, avec plus ou moins d'efficacité. Mais le nouveau directeur de La Scala, Fortunato Ortombina, a décidé d'aller à contre-courant : une personne vêtue de manière inappropriée peut se voir refuser l'accès au spectacle, même si elle possède un billet, et les téléphones portables seront désormais interdits. Qu'en pensez-vous ?

On me demande souvent s'il est obligatoire de venir à l'opéra en costume. Je réponds que, à mon avis, il faut considérer une sortie à l'opéra comme un événement particulier, car ce n'est pas quelque chose qui arrive tous les jours, et donc une attitude quotidienne n'est pas appropriée. Mais cette « attitude particulière » est différente pour chaque personne : pour certaines, c'est un costume et une cravate, pour d'autres, c'est autre chose qui leur donne un sentiment d'exclusivité. Je ne voudrais pas instaurer de règles strictes, car je ne souhaite exclure personne, mais j'espère sincèrement que chaque spectateur qui vient à l'opéra souhaite que ce soit une fête et fasse en sorte que ce désir soit perceptible par les autres.

En ce qui concerne l'attraction d'un public jeune, on parle depuis trente, voire quarante ans déjà, de la disparition du public d'opéra. Mais cela ne se produit pas. Un nouveau public arrive – moi-même, je commence déjà à grisonner (rires). Il est important d'établir un bon contact avec ce public, mais il est encore plus important de passer aux jeunes le « virus » de la musique dès leur plus jeune âge. Entre 5 et 20 ans. Je considère qu'il est nécessaire de collaborer avec les établissements d'enseignement – des universités et écoles de musique aux jardins d'enfants –, et nous allons dans ce sens : un plan de travail avec les écoles de musique du canton de Zurich est déjà en place et un nouveau site est en préparation dans l'ancien cinéma du quartier d'Oerlikon. Existe aussi le facteur financier : bien sûr, il faut proposer des prix aussi abordables que possible pour les moins de 26 ans. Mais je tiens à le dire clairement : tous nos efforts en tant que théâtre ne peuvent remplacer l'éducation musicale dispensée dans les écoles, dont le niveau a beaucoup baissé. Les enseignants eux-mêmes ne sont pas passionnés par la musique, et sans leur aide nous ne pouvons pas réussir. Autrefois, même dans les jardins d'enfants, il existait une tradition : chaque matin, les petits s'asseyaient en cercle et chantaient. Cette tradition a disparu, et nous discutons déjà avec les responsables politiques de sa renaissance.

Bien sûr, en étudiant le programme de la saison de l'Opéra de Zurich, j'ai tout d'abord été frappée par l'abondance de noms russes. Cela signifie-t-il que vous êtes opposé au « boycott » de la culture russe, comme certains continuent de le réclamer ?

Je pense que dans le domaine de la culture, il ne faut pas s’en prendre aux artistes si l'on ne peut atteindre la personne que l'on souhaite réellement atteindre. À Zurich, nous nous efforçons de travailler avec les meilleurs interprètes d'un point de vue professionnel – notre public y a droit, et les artistes eux-mêmes ont le droit de ne pas être jugés sur la base de critères qui n'ont rien à voir avec leur profession. S'ils adoptent une position neutre et se produisent sur les scènes européennes, je ne vois pas où est le problème, et il ne devrait pas y en avoir un.

Examinons cela de plus près et commençons par Chostakovitch, car cette année musicale est indissociable de son nom. Pourriez-vous nous dire quelques mots du ballet de MacMillan conçu sur la musique du Deuxième concerto pour piano, dont l'Andante est utilisé dans le film Le Pont des espions, dont l'action se déroule en 1957, année de création du Concerto, et dont la première partie – Allegro – est présente dans le dessin animé de Disney Fantasia 2000 ?

Cette question s'adresse plutôt à Cathy Marston, la directrice de notre compagnie de ballet, qui est responsable de la danse dans le programme de la saison. Pour moi, il est important que les ballets soient accompagnés d'une musique riche en contenu, pour ainsi dire, et il est difficile de trouver une musique plus riche que celle de Chostakovitch ! Je suis heureux que nous participions ainsi à l'année commémorative qui lui est consacrée. Notre troupe de ballet a été largement renouvelée, de nombreux nouveaux artistes sont arrivés, et j'ai hâte de voir le résultat de leur travail. À propos, puisque nous parlons de ballet, je tiens à rappeler qu'à la fin de la saison, nous présenterons Roméo et Juliette de Sergueï Prokofiev dans une mise en scène de Cathy Marston elle-même. Ce seront les débuts de notre directeur musical Gianandrea Noseda dans le répertoire ballet !

La partie piano dans la chorographie de Kenneth MacMillan est interprétée par Kateryna Tereshchenko, née en Ukraine. Je trouve cela formidable ; mais... était-ce intentionnel ?

J'aimerais répondre par l'affirmative, mais là encore, la question doit être posée à Cathy Marston. C'était peut-être une décision inconsciente (sourire), dont je me réjouis beaucoup.

Anna Netrebko mérite une mention particulière. Tout le monde se souvient qu'en 2022, l'Opéra de Zurich a résilié son contrat dans l'opéra Macbeth, en remplaçant Anna Netrebko par Veronika Dzhioeva et en fournissant des explications assez vagues, à mon avis, pour justifier cette décision. Zurich n'était pas la seule ; d'autres scènes occidentales ont fait de même. Toutefois Anna Netrebko revient progressivement : en juin dernier, je l'ai entendue dans La Dame de pique à Vienne, devant une salle comble. Elle s'est également produite à Milan et à Berlin, et une représentation est prévue à Londres. Mais aujourd’hui, le plus important pour nous c'est qu'Anna Netrebko se produira à Zurich dans La Forza del destino, au mois de novembre prochain. Comment cette décision a-t-elle été prise ?

Comme vous le savez, j'ai été directeur de Staatsoper de Berlin jusqu'en août 2024 et, à l'automne 2023, j'ai invité Anna Netrebko à participer à la production de Macbeth. Ce n'était pas une décision facile, mais j'ai trouvé important de considérer son comportement avant et après le début de la guerre : après le début de cette guerre, elle n'a pas donné de représentations en Russie et a fait une déclaration anti-guerre très claire – ce qui, compte tenu de la présence de sa famille en Russie et de tous les autres liens, n'était pas évident. De plus, elle sait que l'Opéra de Berlin, tout comme celui de Zurich, a organisé des concerts de bienfaisance en faveur de l'Ukraine, ce qui ne l'empêche pas de se produire sur leurs scènes ; et cela en dit long. Mais surtout, Anna Netrebko est sans conteste la meilleure Leonora au monde, et nous voulons l'entendre dans ce rôle de La Forza del destino. À Berlin, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de discuter avec elle, de mieux la connaître, d'apprécier son comportement irréprochable et l'énorme succès qu'elle a apporté au théâtre. Je ne peux donc que me répéter : je suis du côté des artistes et contre les abus dont ils font l'objet. Oui, à Berlin, j'ai eu une longue conversation avec l'ambassadeur ukrainien, et une petite manifestation a eu lieu devant le théâtre, mais je pense que mes arguments ont été convaincants.

À en juger, ces arguments ont-ils été convaincants non seulement à Berlin, mais aussi à Zurich ?

Vous savez, j'accepte tout à fait qu'il puisse y avoir d'autres opinions à ce sujet, mais je n'accepte pas de m'écarter d'une explication claire de ma propre position, d'une argumentation différentiée. J'ai reçu de nombreuses lettres avec des questions sur Anna Netrebko, et j'ai répondu avec soin, parfois de manière très détaillée, à chaque message. Dans la plupart des cas, mes correspondants ont écouté mes arguments. Ces échanges d'opinions me semblent extrêmement importants.

Merci beaucoup pour votre approche si raisonnable et professionnelle ! Une dernière question pour aujourd'hui : que souhaitez-vous pour vous-même en cette première saison à l'Opéra de Zurich ?

Tout d'abord, j'espère que le public prendra plaisir à venir dans notre théâtre et qu'avec mes collègues, y compris les nouveaux, je parviendrai à réaliser tous mes projets et à faire en sorte que l'art lyrique traditionnel conserve toute sa pertinence et l'amour du public.

PS : pour consulter le programme complet de la saison de l'Opéra de Zurich et réserver des billets pour les spectacles qui vous intéressent, le plus simple est de vous rendre sur le site web du théâtre. Moi, j’y vais !

A PROPOS DE CE BLOG

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels – le Forum des 100.

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