Zakhar Prilepine construit son roman autour des trois axes névralgiques de la
vie du narrateur : l'amour, la guerre, l'enfance. Avec une aisance narrative
sans faille, il tisse son récit de façon à laisser place à l'imagination du
lecteur sans lui accorder le temps de reprendre son souffle. Malade de sa Russie
malade, Prilepine nous la décrit en proie à ses démons : un pays mis à genoux
par les fautes de ses dirigeants. Sans prendre position, il narre la souffrance
de tout un peuple, constitué d'ethnies qui ont du mal à vivre ensemble.
Un détachement militaire russe est envoyé en Tchétchénie : le Spetsnaz, les
hommes les plus expérimentés et les plus redoutables ; parmi eux, Egor
Tachevski. Les combattants russes s'installent dans une école abandonnée près de
Groznyï : tout un symbole pour ces jeunes dont l'âge ne dépasse pas la
trentaine. Les conscrits de vingt ans, les officiers rodés, tous gèrent à leur
façon la peur, l'ennui et la mort. Tous sont, un jour, mis devant l'obligation
de tirer, de tuer. Commencent les opérations de « nettoyage » : devant des
Tchétchènes tués et la mort des siens, Egor Tachevski, chef du groupe, a peur.
Plus qu'une peur primaire de la mort, c'est une folie, une pathologie qui tourne
à l'obsession.
Cette pathologie a une sœur rivale, la Jalousie. Dans le monde civil, les
relations d'Egor avec Dacha, jeune femme sensuelle et peu ordinaire, ne sont
plus que ruines. Le jour où Dacha confie à Egor avoir eu vingt-six amants avant
lui, sa tête explose. Abandonné à la naissance par sa mère, orphelin de son père
à six ans, il pensait avoir trouvé en Dacha un refuge, un point de départ et un
point de retour.
Le narrateur essaie de se guérir de ces deux pathologies en se plongeant dans
l'enfance, certes douloureuse, mais pleine d'espoir.
La traduction du russe de Joëlle Dublanchet a valu à cette dernière le Prix
Russophonie décerné par la Fondation Eltsine le 9 février 2008 à Paris.
Zakhar Prilepine, 34 ans, est rédacteur en chef
d'une édition régionale de Novaïa Gazeta, le journal d'Anna
Politkovskaïa. Il a participé aux deux guerres tchétchènes (en 1996 et 1999).
Pathologies, finaliste du prix russe
Natsionalnyï et best-seller en 2005, est son premier roman.
Son deuxième roman, Sanka a été finaliste du
Booker Prize russe en 2006 et élu meilleur livre étranger en Chine la même
année. Le Péché, sera publié en août 2007. Il confirme
Zakhar Prilepine comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération
littéraire.
Figure emblématique d'une jeunesse engagée, Zakhar Prilepine participe
régulièrement aux actions civiques contre le pouvoir en place.